Infertilité inexpliquée, fausse couche : et si c’était une carence en vitamine A ?
Par Emelyne Humbert-Voss, naturopathe spécialisée en périnatalité, le 17 février 2023
En essais bébé, tu prends de la vitamine B9 (ton conjoint aussi ?), très certainement sous forme méthylée, puisque tu as lu sur tous les blogs et les réseaux sociaux qu’il valait mieux prendre cette forme active que l’acide folique traditionnellement prescrit. Tu sais que cette vitamine contribue à une bonne division cellulaire pour optimiser ta qualité d’ovocytes et de spermatozoïdes et limiter les risques de malformations congénitales.
Oui mais voilà malgré cela, cela va faire maintenant de nombreux mois voire années que vous essayez sans succès. Vos examens sont normaux et on vous a classé en infertilité inexpliquée. Ou alors tes essais ont été fructueux mais tu as vécu une ou plusieurs fausse(s) couche(s).
Pourquoi ces difficultés alors que tu prends bien ta vitamine B9 ? Finalement, et si cette complémentation n’était pas suffisante et qu’il fallait se tourner aussi du côté de la vitamine A ?
Dans cet article je t’explique ce que c’est que la vitamine A, son rôle dans la production des gamètes et comment combler tes besoins en vitamine A pour soutenir ta fertilité et maximiser tes chances de tomber enceinte.
Qu’est-ce que la vitamine A ?
La vitamine A est une vitamine qui est soluble dans les lipides et est stockée dans le foie. Elle est impliquée dans de nombreux processus physiologiques pour permettre un développement normal de l’organisme.
La vitamine A existe à l’état naturel sous forme de rétinol dans les aliments d’origine animale mais elle peut être fabriquée dans notre foie à partir des caroténoïdes présents dans les aliments d’origine végétale.
Comment la vitamine A affecte la gamétogénèse et le développement du futur bébé ?
Rôle dans la production des spermatozoïdes et risques d’une carence
La spermatogénèse est un processus complexe qui consiste à la production des spermatozoïdes à partir de cellules primaires appelées spermatogonies. Ces cellules subissent une étape de différenciation pour donner des spermatocytes, qui vont à leur tour subir deux étapes de division cellulaire particulière, la méiose. Cette division permet de passer d’une cellule contenant 2 paires de chromosomes à une cellule ne contenant qu’un seul exemplaire de chaque chromosome, ici les spermatides. Ceux-ci vont subir une phase de maturation, appelée spermiogénèse, pour donner naissance aux spermatozoïdes. Cette production a une durée de 72 jours.
Des études récentes ont montré que la vitamine A facilite la différenciation des spermatogonies, intervient dans l’activation de la méiose et permet la formation de la tête et du flagelle des spermatozoïdes à partir de cellules rondes, les spermatides.
Elle joue donc un rôle clé dans la fertilité masculine et une carence en rétinol chez l’homme peut donc être la cause d’une infertilité masculine en raison d’un nombre insuffisant de spermatozoïdes dans le sperme et/ou des défauts de forme.
Rôle dans la production des ovocytes et risques d’une carence
L’ovogénèse s’opère sur le même principe que la spermatogénèse mais présente des différences. Pendant la vie fœtale, des cellules primaires, les ovogonies, se multiplient puis se différencient en ovocytes primaires qui entrent en méiose mais cette division cellulaire reste bloquée en cours de route jusqu’à la puberté. A partir de la puberté, ces ovocytes primaires augmentent de taille par vagues successives puis à chaque cycle, un seul ovocyte primaire peut maturer en ovocyte secondaire fécondable.
Comme pour la spermatogénèse, la vitamine A intervient dans l’activation de la méiose des ovogonies.
Les effets d’une carence en rétinol sur l’ovogénèse dépend de la durée et de la sévérité du manque en vitamine A. En période de préconception, une déficience en rétinol dégrade la phase lutéale (la phase qui survient après l’ovulation et avant l’apparition des règles) et empêchant l’implantation de l’ovule fécondé.
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Risques d’une carence pendant le développement embryonnaire
Pendant la grossesse, une carence en vitamine A peut entraîner l’arrêt de la croissance de l’embryon ou augmenter les risques d’anomalies congénitales et de nécrose du placenta et donc être à l’origine de fausses couches.
De plus, la vitamine A est importante pour le bon développement des organes reproducteurs pendant le développement embryonnaire. Une carence en vitamine A chez l’embryon peut entraîner des malformations chez ces organes, pouvant affecter la fertilité de ton enfant à l’âge adulte.
Comment obtenir suffisamment de vitamine A ?
Tu l’as compris, pour assurer une bonne production des cellules reproductrices, éviter les risques de fausse couche et un bon développement chez ton bébé, il est nécessaire de combler tes besoins en vitamine A.
Les besoins journaliers en vitamine A sous forme de rétinol sont de 750 mcg pour l’homme et 650 mcg pour la femme (hors grossesse et allaitement).
Sources d’origine animale
La principale source de rétinol est le foie animal (morue, volaille, porc, veau, etc.). On en trouve également dans les produits laitiers et les œufs.
Pour couvrir tes apports hebdomadaires en rétinol, il convient de manger :
- 2 œufs dont le jaune est coulant par jour
- 2 portions de fromage par jour
- 1 portion de 40 g de foie de morue ou de volaille par semaine. Le foie de morue peut être consommé froid sur une tranche de pain grillé et arrosé d’un filet de jus de citron. Le foie de volaille se fond très bien dans une portion de pâtes à la bolognaise (tu peux le hacher pour congeler des portions de 40 g avant de cuisiner ta sauce bolognaise).
Ajouté à cela des fruits et légumes riches en caroténoïdes et tu auras ce qu’il te faut pour une bonne qualité d’ovocytes et de spermatozoïdes.
Et si je ne consomme pas ces aliments ?
Si tu ne manges pas tous ces aliments d’origine animale voire aucun, cela va être compliqué de compter uniquement sur tes apports en caroténoïdes pour couvrir tes besoins en rétinol.
Déjà parce qu’il faut 12 équivalents de caroténoïdes pour produire 1 équivalent de rétinol. Il faut donc consommer beaucoup de fruits et légumes de type épinards, courge, brocolis, chou, cresson, pois, carotte, patate douce, abricot, melon etc. (ce qui peut être dangereux quand on est fumeur mais j’espère que c’est une des premières choses que vous avez arrêté en essais bébé).
Mais aussi parce que la transformation des caroténoïdes en rétinol nécessite une enzyme, la β-Carotene 15–15′-oxygenase (BCO1). Or, une mutation du gêne codant la production de cette enzyme entraîne une baisse de conversion des caroténoïdes en rétinol de 32% voire de 69%. Donc si tu as une mutation codant pour le gêne de cette enzyme, même en mangeant la quantité de fruits et légumes correspondant à tes besoins en rétinol, tu ne les atteindras pas.
Il existe des dépistages génétiques pour savoir si tu as une mutation ou pas (comme pour la MTHFR) mais elle n’est pas courante et représente donc un budget. Donc sans avoir de certitude, pour être sur.e de couvrir tes apports en rétinol, il est conseillé de te tourner vers les compléments alimentaires : huile de foie de morue (en capsules si tu n’aimes pas le goût) ou si tu es végéta*ien.ne, du palmitate de rétinol.
Attention !
Un excès de vitamine A est tératogène pour l’embryon pendant la grossesse. En cas de grossesse, il est essentiel de te rapprocher d’un.e professionnel.le de santé si tu dois te complémenter afin de respecter les apports conseillés en toute sécurité pour ton bébé. Notamment, la forme palmytate de rétinol est déconseillé pendant la grossesse en complément unitaire en raison du risque de surdosage facilité.
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